Homme de contradictions, parfois jusqu’au-boutiste, le 2e ligne Andy Haden aura Ă©tĂ© la cheville ouvrière de la tournĂ©e des Cavaliers en Afrique du Sud en 1986. DĂ©missionnaire de son rĂ´le d’ambassadeur de la Coupe du Monde 2011, pour des propos mal apprĂ©ciĂ©s par l’opinion, il reste un observateur attentif de la compĂ©tition qui se joue actuellement sur son Ă®le.
Texte & Photo_Antoine Bréard
Quand il vous reçoit, Andy Haden, la
soixantaine à peine passée, tempes blanches et carrure inchangée, peut
Ăªtre amenĂ© Ă faire 2 choses Ă la fois. RĂ©pondre Ă un mail, passer un
coup de fil, voire potasser un document pour un prochain rendez-vous.
Normal car l’ancien All Black Ă la carrière lĂ©gendaire (117 sĂ©lections
dont 41 tests pour 8 capitanats et 8 essais) est un homme d’affaires
parfaitement avisé et un vivant qui ne laisse pas filer le temps. De
cette génération de joueurs qui ont tout de suite compris que le rugby
pouvait ouvrir des portes si on savait bien s’y prendre. Et de ces
hommes qui ont combattu le cancer, dès 2003, et n’y ont pas laissĂ© les
armes. Il peut Ăªtre occupĂ©, ce n’est pas pour autant qu’il n’a pas
d’attention pour vous, mĂªme si vous Ăªtes journaliste : « Je suis
constamment sollicité par votre corporation, trop souvent pour ressasser
de vieilles histoires. Du coup, j’ai du mal Ă avancer dans ce que j’ai Ă
faire. Mais je me plie Ă cette loi. Comme avec vous. » Un bon
client, pas langue de bois, une occasion Ă ne pas gĂ¢cher. Surtout quand
le discours est aussi franc. Il faut simplement espérer que le
personnage, d’une certaine impertinence, n’Ă©courte la rencontre trop
tĂ´t. Passons vite sur l’enfance et la passion du rugby. « En
Nouvelle-ZĂ©lande, tous les gamins, vers 5, 6 ou 7 ans, commencent de la
mĂªme manière. Par mimĂ©tisme. Les partenaires, le terrain, l’ambiance.
Moi j’habitais Ă la campagne, Ă Wanganui, et nous Ă©tions un peu Ă©loignĂ©s
du club. Mon père prenait sa voiture, on passait prendre les copains le
long du parcours et on se retrouvait lĂ . Aujourd’hui, la seule chose
qui change, c’est que quasiment tous portent des chaussures… » Une tranche de vie avant une tranche d’histoire. Ne reste plus qu’Ă glisser au milieu la garniture. Et il y en a.
Disons-le tout net, Andy Haden est détesté par pas mal de Néo-Zélandais,
ce que ne contredisent pas les taxis en apprenant Ă qui vous allez
rendre visite. Notamment suite Ă certaines prises de position et des
déclarations mal comprises. Exemple en 2010 lorsque, après une affaire
de viol prĂ©sumĂ© sur 2 jeunes filles, l’une d’elle porte plainte Ă
l’encontre d’un ancien All Black, Robin Brooke. Haden aurait soulignĂ©
dans une Ă©mission TV : « Nous sommes dĂ©sormais dans une sociĂ©tĂ©
Ă©galitaire, et certaines filles ciblent des joueurs de rugby, Ă leurs
risques et pĂ©rils. » TĂ´lĂ© gĂ©nĂ©ral. MĂªme topo quelques mois
auparavant. L’intĂ©ressĂ© avait affirmĂ© que les Canterbury Crusaders
avaient adoptĂ© une politique leur dĂ©fendant de recruter plus de 3 «
Noirs ». Alors que penser ? Ce qui est sĂ»r, c’est que ce gars aura Ă©tĂ©
une lĂ©gende en Nouvelle-ZĂ©lande, tant qu’il aura jouĂ©. Un adversaire
quasiment impossible Ă renverser. « RĂ©trospectivement, je crois que
ce que j’aimais le plus, petit, c’Ă©tait d’Ăªtre avec les autres. M’amuser
sur le pré. La camaraderie. On attendait les matchs du week-end toute
la semaine. Quand j’ai grandi, c’est la victoire qui me motivait. Ce
sentiment particulier après un match gagnĂ©. Je n’Ă©tais pas quelqu’un de
très bon, mais j’ai toujours aimĂ© la compĂ©tition, me donner plus que les
autres. » Quitte Ă tricher un peu quelque fois. En 1978, au Pays
de Galles, alors que les Blacks sont menés 12-10, le gaillard de 1,99 m
et 110 kg simule une faute pour obtenir une pénalité dans les dernières
minutes. L’arbitre mord Ă l’hameçon, les visiteurs l’emportent.
De 1971 Ă 1986, Andy Haden colonisa donc l’espace rugbystiquo-mĂ©diatique
néo-zélandais. Avec des incursions en Europe en début de carrière pour
monnayer ses talents, allant jusqu’Ă jouer pour plusieurs clubs la mĂªme
semaine. « Andy Ă©voluait en France et en Angleterre en mĂªme temps,
se souvient Wayne Shelford, son ex-coéquipier chez les All Blacks. Le
samedi d’un cĂ´tĂ© de la Manche et le dimanche de l’autre. Et vous pensez
qu’il le faisait pour rien ? » Sa volontĂ© de ne pas rester amateur
vaudra ainsi Ă Haden une rĂ©putation un peu sulfureuse. Qui plus est Ă
une Ă©poque oĂ¹ il Ă©tait de bon ton de ne pas parler dollars. Ses
différents livres auront aussi pas mal irrité car best-sellers. En fait,
son caractère franc-tireur agace, comme sa résolution de monter la
tournĂ©e des Cavaliers : « Nous avions Ă©tĂ© sĂ©lectionnĂ©s en 1985 pour
cette tournée. Elle avait été annulée par un acte de justice pour des
raisons politiques et nous étions les victimes de cette décision. La
déception était grande pour nous tous de ne pas représenter notre pays
en Afrique du Sud. Malgré la tournée en Argentine, qui avait été
mauvaise, je ne voulais pas raccrocher les crampons comme ça, car
j’Ă©tais dĂ©jĂ Ă¢gĂ©. Puis des personnes de la fĂ©dĂ©ration m’ont dit : ‘‘Vous
devriez y aller’’. J’ai pensĂ© qu’ils avaient raison et j’ai organisĂ© la
tournĂ©e de 1986 afin d’accomplir ce pour quoi nous avions Ă©tĂ©
sĂ©lectionnĂ©s Ă l’origine. J’ai alors rencontrĂ© le Dr. Craven pour tout
mettre en place et affronter une vraie sĂ©lection sud-africaine. »
En secret, Haden aura dĂ» gĂ©rer tous les aspects de l’Ă©vènement. Trouvant
par ailleurs dans certains partenaires financiers des relais
intéressants pour porter sa bonne parole menant vers le
professionnalisme. On parla de réunion secrète à Hong-Kong. Mais il y
eut parfois des fuites. « Lors du centenaire de l’IRB en avril 1986,
peu avant le départ des Cavaliers, je faisais chambre commune avec le
Sud-Africain Schalk Burger, révèle le retraité des terrains. Il
n’arrĂªtait pas de me questionner Ă propos de la tournĂ©e et je ne lui
rĂ©pondais pas. Jusqu’au jour oĂ¹ le prĂ©sident de sa fĂ©dĂ©ration tenta de
me joindre sur le téléphone de notre chambre. Étant sous la douche,
c’est Burger qui dĂ©crocha… Il avait vite compris ! » Compris que
les compatriotes d’Haden l’accompagneraient pour une tournĂ©e incroyable,
qui fit ensuite basculer le grand artisan de celle-ci et l’Ovalie dans
un nouveau monde. Celui d’un sport business oĂ¹ Haden deviendrait in fine
l’un des premiers agents de joueurs.
Bref, au final, l’ex-2e latte a surtout la figure d’un ancien joueur un peu brut et malin qui a assurĂ© sa reconversion un peu avant l’heure. Se plaçant lĂ oĂ¹ beaucoup d’autres auraient voulu se glisser. Avec un dĂ©faut inavouĂ©, celui de bien aimer parler aux journalistes, quoi qu’il en dise…
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