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C.Tiozzo : « sans ce projet, je serais peut-être mort »

 


Champion du monde des super-moyens (WBA) en battant, le 30 mars 1990, le Sud-Coréen In-Chul Baek à Lyon dans un Palais des Sports de Gerland en délire, Christophe Tiozzo perd peu de temps après sa couronne mondiale, le 5 avril 1991, face au panaméen Victor Cordoba. Avec un palmarès qui compte par ailleurs une médaille de bronze aux JO de Los Angeles en 1984, des titres de champions de France et un titre de champion d’Europe, le « Rocky » français aura vécu dans le sillage des années 90 une vie faite de très haut et de très bas. Jusqu’à complètement plonger avant de revenir à la surface depuis 4 ans avec un projet d’insertion par la boxe dans 3 académies et 12 clubs labellisés. Il en détaille les contour et les résultats pour Yards dans une interview exclusive…

Christophe, vous dirigez actuellement l’association qui porte votre nom et qui aide à l’insertion des jeunes de quartiers par la boxe. Comment tout cela a débuté ?

Les événements de Villiers-le-Bel ont été un déclic pour moi. Vraiment. Je me suis dit : ces jeunes, il ne faut pas les laisser comme ça, ce n’est pas normal qu’ils en arrivent là. Et j’ai donc eu envie de faire quelque chose pour aider. Je suis allé voir le Ministère de la Ville pour leur dire que je me mettais à leur disposition pour ouvrir des salles de boxe. Pour qu’à travers ce sport, les jeunes puissent canaliser leur violence. Là-bas, on m’a dit que ce n’était pas leur vocation d’ouvrir des salles mais que mon projet était bon et que je devais avancer moi-même avec cette idée.

Vous êtes né, vous avez grandi en banlieue. Est-ce quelque chose de particulier qui a résonné en vous, à ce moment là ?

C’est le déroulé des événements surtout. Ces deux jeunes qui meurent en percutant une voiture de police. Ca reste assez flou. Et dans le traitement, on a l’impression que le pouvoir est toujours du même côté. Ca m’a un peu révolté. Et puis, moi je le sais comment ça se passe en banlieue, il n’y a pas grand-chose à faire. Les gars tournent en rond. La dérive de certains, je la comprends. En plus il n’y a pas de boulot. Les jeunes ont du mal à toucher les entreprises et les entreprises ont du mal à toucher les jeunes. Nous on a décidé de faire le lien entre les deux grâce à la boxe et à notre programme.

Pour monter cette association, vous vous êtes associés à Thomas Piquemal, actuel directeur exécutif d’EDF, alors à la banque d’affaire Lazard. Un profil bien différent du votre…

Oui. Mais lui c’est un vrai passionné de boxe. On s’est rencontré et lui m’a dit qu’il fallait qu’on aille plus loin. Qu’il ne  fallait pas juste monter des salles mais qu’il fallait que l’on fasse aussi de l’insertion. Ca m’a tout de suite plu. Comme il connaissait, grâce à sa profession, pas mal de sociétés capables d’investir dans le projet, on a monté l’association. Et ça tourne depuis 4 ans.

Qu’est ce que le boxe peut apporter à ces jeunes ?

C’est un sport dur. Individuel mais aussi collectif car tu peux difficilement t’entraîner seul. Il y a une équipe, les managers, les copains d’entraînements, etc. Mais d’abord comme je l’ai dit, c’est un sport dur. Le gars qui va à l’entraînement tous les jours, qui en chie, qui arrive à comprendre les règles d’une salle, il va se structurer. Etre à l’heure, respecter le matériel. Ca permet de recadrer. Au départ, t’as des gars, on leur dit vient à 17H. S’ils arrivent à 17h30, bah ils ne boxent pas. Après ils seront à l’heure. Même chose avec les gants que l’on doit ranger à tel ou tel endroit.

C’est ce que la boxe vous a appris ?

Oui, fatalement. Et sans m’en rendre compte. Quand j’ai commencé à 14 ans, j’étais assez déstructuré. Les gens du club m’ont permis de changer.

Pour être confronté aujourd’hui aux problèmes des quartiers que l’on dit sensibles et avoir vécu vous aussi dans un environnement pas toujours simple, vous êtes un observateur attentif. Qu’est ce qui a changé entre votre jeunesse et aujourd’hui ?

Beaucoup de choses. Mais c’est vraiment pire pour ceux qui sont dans la rue, qui traînent et n’ont pas beaucoup de respect pour grand-chose. C’est chaud.

Ceux qui décident de pousser la porte d’une salle sont vraiment différents. Ils ont une démarche d’ouverture, ils veulent apprendre. Et la boxe est un bon outil pour ça. Car comme dans la vie, rien n’est facile, on prend des coups et il faut savoir quand même avancer.

Votre parcours de champion est utile pour faire passer votre message…

Le titre de champion du monde, ça impose le respect quand même. Je le vois dans les salles quand j’y vais. Et il y a une petite lueur dans les yeux des gars quand je prends les gants pour une petite séance…

Ce projet aide ces jeunes là, mais il vous aide aussi car avant de lancer votre association, vous n’étiez pas au mieux. Non ?

C’est vrai. Je n’ai pas travaillé pendant un moment et j’ai même fait pas mal de conneries. Il fallait que je gagne ma vie quoi (sourire). Comme je me suis fait escroqué, que j’avais ma famille, il fallait que je fasse rentrer de l’argent. Sans pour autant baisser mon niveau de vie… J’ai été révolté pendant un moment car je me suis fait avoir par deux avocats.

C’est un moyen d’équilibrer le yin et le yang entre ce passé sulfureux que vous avez révélé dans votre autobiographie Ma descente aux enfers et maintenant…

Les jeunes savent que je ne suis pas un saint. Et je ne me pose pas la question de savoir si je me rachète une conduite ou pas. Je le fais car ça m’intéresse. Sans ce projet d’académie, je serais peut-être en prison ou il me serait arrivé une bricole. Là, je sers à quelque chose, je m’investis.

Aujourd’hui. Sur le terrain, comment ça se passe avec ces jeunes ?

Tout part de l’entraîneur. C’est lui qui est le premier contact. Qui doit sentir les gars. S’il sent qu’un gars a un problème, il essaye de l’orienter vers les bons interlocuteurs sociaux quand c’est nécessaire. Si les gars veulent un stage, un boulot, changer d’orientation, trouver une formation, ça passe par nous. Mais pour cela, il faut que la personne soit sérieuse, réglo et qu’elle ne déconne pas. Car nous, on doit des comptes aux sociétés qui nous accompagnent. A ce moment là, un chargé d’insertion va mettre en place un plan de carrière avec le boxeur.

D’autant qu’il y a parfois une incompréhension, une méconnaissance entre ces jeunes et les entreprises…

C’est vrai. Ils ne se connaissent pas. Ne se parlent pas. A Marseille dans les quartiers Nord, je savais qu’il y avait un gros besoin pour les entreprises. On a décidé non pas de créer un nouveau club car ça n’aurait servi à rien, mais de s’associer avec un existant et qui faisait déjà de l’insertion à son niveau. Il bossait avec un garagiste, etc… J’ai contacté le club et j’ai proposé la chose suivante : tu restes indépendant, sportivement et économiquement mais nous on va apporter des boulots aux jeunes. Et ça marche super bien. Car les gars veulent du boulot et se donne les moyens. Ils sont sérieux.

Quelles sont les sociétés qui vous accompagnent ? Pourquoi le font-elles ?

Elles le font pour trouver des gens performants et sont très contentes de notre action. Car elles savent que nous, on va leur proposer des gens motivés. Par exemple Veolia a beaucoup de turn-over car les boulots sont difficiles chez eux. Et bien on leur trouve des gars qui, par exemple, restent plus longtemps que les autres. Et dans le groupe Casino, GDF ERDF, Vinci, Zara, c’est pareil au niveau national. Et en local, on a aussi des sociétés du coin qui sont preneuses.

Comment arrivez-vous à ce type de résultats ?

Parce que pour insérer des jeunes boxeurs, il n’y a qu’un boxeur qui peut le faire par ce chemin là. L’Etat et les entreprises connaissent mal cette population. Et c’est par le sport, mais ça pourrait être par l’art ailleurs, ultime rempart contre la dérive, qu’on y arrive. On reprend petit à petit des valeurs par le sport et on revient vers la société. Chaque année, on tourne à 70/80 gamins suivis.

Vos jeunes reviennent d’un stage à Bolquère où ils ont d’ailleurs  pu se confronter au haut niveau…

Oui. Sur 15 jours, des gars très motivés se retrouvent pour progresser grâce à la ville qui accueille et à la FDJ qui financent. Il y a deux stages par an. Ca commence directement par des activités commando. Ca soude les gars ensemble et il se créé quelque chose de puissant. Ensuite on déroule sur la pratique de la boxe. Et derrière, quand chacun repart chez lui à travers toute la France, ces gars continuent de communiquer, de s’encourager quand ils trouvent des boulots et à travers les résultats sportifs. La socialisation est donc effective.

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